Qui est Guy PHILIPPE?
20 janvier 2024
1. Né à Pestel dans le sud-Ouest d’Haïti, le 29 février 1968, Guy Philippe a passé les premières années de sa vie en milieu paysan, ce qui l’a fortement sensibilisé aux problèmes du « pays-en-dehors » et en particulier aux questions agraires.
2. Son père était maire de Pestel et dans sa famille, on parlait souvent Politique et Histoire. Guy PHILIPPE est aussi un passionné de Littérature et il cite volontiers
CORNEILLE, ROUSSEAU ou MONTESQUIEU.
3. Après de solides études chez les Frères PAULIN de Jérémie et à St Louis de Gonzague à Port-au-Prince,
Guy PHILIPPE part au Mexique, puis aux Etats-Unis. Il semble
prédestiné pour le sport. Il est plusieurs fois champion national de tennis de table en Haïti et la presse mexicaine parlera plus tard de lui comme le « goleador » (buteur) de Puebla.
4. Après avoir hésité entre la médecine et l’Académie militaire, les hasard de l’existence conduiront, en septembre 1992, Guy PHILIPPE à Quito, en Equateur, où il entre à la « Academia Superior de Policia Alberto Enriquez GALLO ». C’est l’une des meilleures écoles de police
de toute l’Amérique :
trois ans de formation soutenue avec des stages dans les commissariats et des séances d’entraînement avec les cadets de l’école militaire dans le cadre de simulations d’opérations combinées terre-air-mer.
Cette formation comprend aussi 8 semestres de cours à la faculté de droit de Loja.
5. En cours de formation, Guy PHILIPPE sera intégré au sein des Forces Armées d’Haïti comme cadet stagiaire à l’étranger. Il achève
brillamment ses études: deuxième lauréat de la promotion, après avoir
pris un temps la tête du classement. Ils étaient 200 à franchir la porte d’entrée, ils n’étaient que 88 gradués en raison de la rigueur de la sélection. Il est également le premier étranger à être décoré en plus de 60 ans d’existence de l’académie. Ce parcours peut ne pas sembler, à première vue, le destiner à se préoccuper globalement des
problèmes de son pays, c’est pourtant avec cette préoccupation qu’il
rentrera se mettre au service de sa patrie.
6. La même année, il apprend que le président ARISTIDE a démobilisé l’armée haïtienne en mettant au chômage plus de 6000 soldats sans aucune forme de compensation et au mépris total de la constitution
haïtienne. Guy PHILIPPE se voit alors refuser l’entrée dans la toute nouvelle force de police alors qu’il est à ce moment précis l’un des rares haïtiens réellement formés pour assumer un poste de
responsabilité dans le maintien de l’ordre. Toutes les portes lui sont fermées sous prétexte qu’il a été boursier des Forces Armées d’Haïti et qu’il représente un « danger » pour le régime en place.
Contrairement à ce que prétendent ses détracteurs, Guy PHILIPPE n’a donc jamais travaillé sous les ordres d’ARISTIDE. Il a fallu attendre
l’arrivée de son successeur en 1995 et en particulier de Pierre DENIZE à la tête de la Police Nationale pour que Guy PHILIPPE obtienne enfin
un poste de commissaire à Ouanaminthe, à la frontière dominicaine.
7. Impressionné par les excellents résultats de son travail, la direction générale de la police le fait entrer au poste de Delmas dont dépendent
plusieurs bidonvilles, Cité Soleil, entre autres. Il s’agit du
commissariat le plus important du pays de par la population qu’il couvre et le nombre d’entreprises concentrées dans la commune.
8. En 1999, après avoir neutralisé les premiers gangs armés d’ARISTIDE (1), dont la fameuse « Armée Rouge », il réussit là aussi, à rétablir l’ordre et la discipline dans le respect de la loi et des droits de
l’Homme. Il fait de Delmas un des quartiers les plus sûrs du pays.
9. Après avoir été élu commissaire de l’année, en présence d’observateurs
des Droits de l’Homme (venant de la MICIVICH) ainsi que d’experts de police venant de Nations Unies (MINUAH)., il obtient une promotion qui
fait de lui le commissaire principal responsable du département du Nord. La qualité de son travail et son indépendance par rapport au
pouvoir en place impressionnent tant que la république entière parle
de lui en bons termes. Dans certains milieux, on le voit bien à la tête de la police nationale.
10. De par sa probité, l’ensemble des
policiers reconnaissent son autorité et lui témoignent une certaine admiration. Ce qui n’est jamais de bonne augure sous une dictature.
11. Entre-temps, les élections 2000 approchent. ARISTIDE s’apprête à revenir au pouvoir après la présidence de PREVAL qui était en fait la version moderne revue, corrigée et augmentée de la politique de
doublure en Haïti. On retiendra de ses discours, les uns plus
irresponsables que les autres, la fameuse phrase « naje pou n soti» (tirez votre plan, tout seul) ce qui était en fait un aveu d’échec politique. Un laisser-aller complice favorisant le banditisme et la démobilisation des forces vives du pays. Tout son mandat n’a servi qu’à paver la route aux tendances dictatoriales d’Aristide, notamment en muselant les voix dissidentes, comme celle du journaliste Jean
DOMINIQUE, des leaders politiques comme le pasteur LEROY ou le sénateur Yvon TOUSSAINT, qui sont assassinés. Les élections
législatives ne sont pas organisées simultanément aux présidentielles, laissant ainsi un vide institutionnel qui fragilise notre démocratie.
12. Tout le groupe d’officiers professionnels formés en Equateur, est accusé de préparer un coup d’état visant à empêcher Aristide de
retourner au pouvoir.
Ils sont contraint de quitter le pays. Guy Philippe s’exile à Saint Domingue en décembre 2000 avec sa femme et ses deux enfants. Là-bas, malgré le climat anti-haïtien qui prévaut, certains militaires dominicains le traitent avec respect et lui font le salut militaire
pendant toute la durée de l’exil.
S’il demeure reconnaissant de la solidarité des dominicains à son égard, il n’en pas moins marqué par le sort des travailleurs haïtiens dans la république voisine qu’il dénonce avec courage.
13. ARISTIDE n’obtiendra pas l’extradition de Guy PHILIPPE. Mais il a bien réussi à ternir son image à l’étranger. De grands journaux internationaux très respectables ont longuement et inlassablement répété les mensonges orchestrés par les propagandistes du régime
LAVALAS sur la prétendue fortune de Guy PHILIPPE ou son présumé rôle comme militaire sous DUVALIER… alors qu’il était encore écolier. En
Haïti, tantôt on en rit, tantôt on en profite pour nuire à sa
popularité, mais dans le fond, personne n’y croit.
14. Guy PHILIPPE est
doué d’un sens de l’humour débordant dont il fait preuve même dans les situations les plus catastrophiques. Dans la presse, il passe ARISTIDE
en dérision régulièrement. Celui-ci, par ses réactions souvent disproportionnées se ridiculise davantage. Il voit la main de Guy PHILIPPE dans tous les mouvements subversifs. Peu à peu, la rumeur s’amplifie à travers le pays : ARISTIDE n’a peur que de Guy PHILIPPE.
Un mythe est né !
15. Les élections frauduleuses de 2000 qu’une seule petite voix dissidente au sein de l’OEA a eu le courage de dénoncer, ont entrainé le pays
dans une crise interminable. La dérive dictatoriale d’ARISTIDE ne semblait plus avoir de limites. Certains opposants au régime sont arrêtés et végètent en prison souvent sans même comparaître devant un
juge. D’autres sont maintenus en détention malgré l’ordre formel de la Justice de les remettre en liberté. Les locaux des stations de radio indépendantes sont saccagés.
Plusieurs journalistes, dont Brignol LINDOR, sont assassinés. Même les
espaces universitaires sont violés et les étudiants bastonnés régulièrement par les chimè, les gangs armés sans foi ni loi d’ARISTIDE. Le recteur lui-même n’est pas épargné. Les grèves, les
manifestations, sont régulièrement réprimées dans le sang. Dans cette
escalade de la violence, les étudiants ont payé le prix fort.
Cependant, au fur et à mesure que la répression s’abattait sur eux, le mouvement se radicalisait. Gren n nan bouda, ou encore GNB est le
vocable créole que le peuple toujours aussi riche d’inspiration a inventé pour traduire leur détermination, leur courage que désormais
ni l’intimidation, ni les balles ne pouvaient ébranler.
16. Alors que la société civile et la classe politique traditionnelle, toujours prête à négocier avec ARISTIDE pour quelques miettes de
pouvoir, hésitent entre l’appui au mouvement étudiant et de nouveaux compromis, l’ex « armée cannibale » aux Gonaïves se retourne contre
son chef. Un tournant décisif.
Désormais, ARISTIDE doit lutter sur deux fronts d’opposition, dont un armé qui va jusqu’à le défier de se présenter aux festivités du bicentenaire aux Gonaïves le premier janvier 2004.
17. Février 2004, la crise persiste, s’aggrave même. Personne n’ose emprunter les routes nationales, les transporteurs sont pillés et les
femmes régulièrement violées par les bandes armées du président. La population est à bout de souffle et est lasse de ne pas voir l’ombre d’une solution. Le pays est dans l’impasse et les divers mouvements de résistance à la dictature sont essoufflés.
18. Après 3 années d’exil, Guy
PHILIPPE traverse enfin la frontière dominicaine avec quelques patriotes prêts à mourir pour libérer Haïti. Quand il émerge à Saint-Michel de l’Attalaye, il est accueilli en libérateur, un héros vivant.
Guy PHILIPPE rejoint vite divers mouvements armés dont celui des Gonaïves et celui de Pernales qui se mettent aussitôt sous son
commandement. Le mouvement prend alors le nom de « Front de résistance
et de libération nationale ».
19. Quant à ceux qui reprochent à Guy
PHILIPPE de faire alliance avec des gens au passé « pas très clair », il répond dans une interview à la télévision dominicaine « Je suis
prêt à faire alliance même avec Duvalier pour sauver Haïti ». Un peu comme CHURCHILL avait répondu à ceux qui lui reprochaient de s’allier
à STALINE contre HITLER.
20. Le Commandant en chef des insurgés s’engage
à ne pas investir le palais national et promet, après le départ d’ARISTIDE, de se mettre au service du président provisoire prévu par
la constitution. Après quelques semaines de combat, il réussit à s’emparer militairement des 2/3 du territoire national. Un succès impossible à imaginer sans le soutien du peuple.
21. Longtemps bernée par
les lobbyistes à la solde du pouvoir, la communauté internationale sort enfin de son indifférence et s’empresse de proposer un plan prévoyant le maintien d’ARISTIDE au pouvoir et quelques concessions
aux politiciens. Sous la pression de la rue, ceux-ci hésitent, balancent, mais finissent par refuser. On comprend alors que les jours
d’ARISTIDE sont comptés.« Nous nous sommes préparés à plusieurs joursde combat, nous n’avons combattu que quelques heures. Port-au-Prince promet d’envoyer des renforts mais jusqu’à présent nous ne voyons rien
arriver » déclare ironiquement Guy PHILIPPE après avoir libéré la ville du Cap. Celle-ci était aux mains des chimè depuis quelques mois. Tous les projecteurs sont braqués sur lui. Aux yeux des opprimés, il
devient la figure emblématique du mouvement GNB alors qu’à Port-au- Prince l’opposition en cravate nie officiellement tout lien avec lui. Il incarne l’espoir, celui qui libérera les Port-au-princiens pris en otage par un gouvernement à la fois illégitime et criminel. Il a la
particularité dans cette bataille d’annoncer à l’avance ses intentions militaires et surtout de toujours tenir promesse.
22. Chaque matin, le
pays retient son souffle, guette chaque bulletin en quête des
nouvelles du front comme on suit avec passion un feuilleton. Chaque ville libérée par les rebelles est un pas de plus vers le retour à la démocratie. Guy PHILIPPE s’empare de Mirebalais à seulement quelques kilomètres de Port-au-Prince avec une aisance qui fait frémir les plus fougueux chimè, plus habiles à réprimer le peuple qu’à s’opposer à des
hommes déterminés. Malgré la pression de certaines ambassades qui
n’ont eu aucun scrupule à soutenir la dictature en Haïti jusqu’au dernier moment, Guy PHILIPPE promet à la nation de fêter son 36ème anniversaire à Port-au-Prince, la capitale, le 29 février. Ce matin
là, on apprend à la radio que J.B. ARISTIDE s’est embarqué pour une destination inconnue.Des centaines de milliers de personnes gagnent
les rues partout en Haïti pour fêter le départ d’ARISTIDE.
23. Le 1er mars 2004, Guy PHILIPPE fait son entrée triomphale à la capitale.
“Vive Guy PHILIPPE, général président » pouvait-on entendre un peu partout.
24. Hormis l’expérience de Rosalvo BOBO, avec laquelle on peut trouver d’ailleurs énormément de coïncidences historiques. Il faut pourtant
signaler que c’est la première fois dans l’Histoire d’Haïti qu’une armée victorieuse dans le renversement d’un président ne s’est pas d’office emparée du pouvoir exécutif. Guy PHILIPPE une fois encore
tient sa promesse et remet les « clés du pouvoir » aux civiles… Il dépose les armes sans condition, sans rien exiger en retour et rentre modestement à Pestel, son village natal. Les larmes aux yeux, il embrasse sa mère qui avait parcouru au milieu de la nuit une route dangereuse et défoncée pour le serrer dans ses bras après 3 années
d’exil.
25. Dans son premier discours à la Nation, le président provisoire Boniface ALEXANDRE confirme en des termes à peine voilés qu’il n’a pas besoin de l’aide de Guy PHILIPPE et… juge plus patriotique de faire appel à des soldats étrangers pour assurer la sécurité du pays.
On dit souvent que le peuple haïtien à la mémoire courte mais, le mauvais exemple ne vient-il pas d’en haut ? Pour ne citer que cet exemple, dans son documentaire GNB contre ATILA de 1h50 minutes où le
célèbre réalisateur Arnold ANTONIN propose de nous permettre, je cite : »de tout comprendre des évènements qui ont conduit à la chute
d’ARISTIDE, le film où vous verrez tous les acteurs pour ou contre ARISTIDE » etc. L’auteur a réalisé l’exploit de ne pas mentionner une
seule fois le nom de Guy PHILIPPE. Du côté de la classe politique traditionnelle et de certains magnats de la presse partisane, un effort considérable est déployé tentant d’ignorer l’apport de Guy PHILIPPE pour remettre Haïti sur les rails de la démocratie. Tantôt on
alimente ou répète à dessein les mensonges de la presse internationale sur la vraie nature populaire de la lutte de Guy PHILIPPE tantôt on se
contente de l’ignorer tout bonnement.
26. Plus tard, face à de graves
problèmes d’insécurité qui ternissent l’image d’Haïti, et les bavures répétées des forces onusiennes, le Premier Ministre LATORTUE avouera publiquement qu’il regrette que sous la pression des ambassades étrangères, il n’ait pas fait appel aux militaires haïtiens pour garantir l’ordre et la sécurité publique. Il est à peu près le seul à avoir reconnu qu’il n’a pas tenu ses promesses face à ces compatriotes qui ont offert leur poitrine aux balles des chimè pour sauver Haïti.
27. Contrairement aux déclarations de l’opposition en cravate, armes, munitions et argent ont été acheminés aux rebelles et un accord pour
former un gouvernement d’union nationale après la chute d’Aristide était prévu. Le rétablissement des forces armées apparaissait comme
une évidence. Rien n’a été respecté, les politiciens traditionnels et certains secteurs de la société civile se sont empressés de signer un
accord allant même jusqu’à recommander aux forces de l’occupation d’utiliser les armes, s’il s’avérait nécessaire, contre Guy Philippe
qui venait de libérer le pays. C’est ce même « accord » qui allait donner entre autres, le comité des sages, sorti de nulle part, et aussi certains dirigeants actuels venus de nulle part eux aussi, qui
nous ont conduit nulle part aujourd’hui. Face à toutes ces trahisons, aux promesses non tenues, à l’échec de la transition et au danger d’un
éventuel retour à la dictature,
28. En mai 2004, Guy PHILIPPE annonce la création du Front pour la Reconstruction Nationale, FRN. Le nouveau
parti choisit comme logo une truelle et un bloc. Convaincu par l’histoire douloureuse d’Haïti que la démocratie est le seul système viable, Guy PHILIPPE déclare que la priorité demeure pour notre pays
la construction d’un Etat fonctionnel et d’institutions indépendantes et fortes. Il s’est entouré de brillants intellectuels haïtiens,
écrivains, journalistes, agronomes, et spécialistes en la question du développement endogène. Au total, trente deux commissions d’experts ont participé à la rédaction du programme du parti. Le FRN demande à chaque haïtien, à l’exemple de Guy PHILIPPE, de donner le meilleur de soi pour construire un pays nouveau.
29. De son expérience au Mexique et en Equateur, Guy PHILIPPE garde un intérêt certain pour les politiques
économiques latino-américaines. Il est particulièrement attentif aux
développements récents, d’autant que s’il admet qu’il y a bien eu une certaine croissance économique du Chili sous PINOCHET, il demeure
horrifié par son coût humain et par le coté brutal et arbitraire du dictateur Entre CARDENAS et VARGAS, il propose une voie politique adaptée à la réalité haïtienne tout en tenant compte des exigences de
l’ère de la mondialisation, des réponses effectives aux besoins économiques et sociaux de la population haïtienne.
30. Le programme du parti pourrait se résumer en deux mots : développement
endogène. Il s’agit d’une forme moderne de patriotisme économique, une
valorisation des potentiels locaux qui va de la stimulation et la protection de la production nationale à la défense de nos valeurs
culturelles. Un programme ouvert, progressiste et surtout porteur d’espoir.
31. Peut-être Guy PHILIPPE écrira-t-il encore une page de notre Histoire, celle qui permettra à chacun d’entre nous de marcher à nouveau la tête haute.